C’est quoi un tournage vidéo en anamorphique ?
Les origines de l’anamorphique :
Depuis le début du XXème siècle, la projection cinématographique utilise comme standard la pellicule de 22 mm de haut sur 35 mm de large.
Cependant, les contraintes techniques comme la présence des perforations pour l’avance du film et, sur cette même pellicule, l’espace réservé à la bande son optique, limitent la taille du photogramme réellement disponible et exploitable à 22 × 18 mm, ce qui représente une image ayant un rapport largeur sur hauteur de 1,22/1 :
Le regard humain étant panoramique jusqu’à un angle de 180°, et une salle de projection étant généralement plus large que haute, il faut projeter l’image sur un rectangle plutôt allongé. Et donc, afin de bénéficier d’un « grand spectacle », il faut projeter une image plus large que haute.
Les formats de projection larges peuvent être obtenus en réduisant la hauteur de l’image sur la pellicule, ou en exploitant un format de pellicule aux dimensions plus larges. C’est le cas du format 70 mm dont l’âge d’or se situe dans les années 1950 et 1960. Cette plus grande surface de film permet d’obtenir plus de détails et une meilleure qualité par rapport à une copie 35mm. Mais le coût d’exploitation de ce format était relativement dissuasif.
Une autre solution est de garder le format 35 mm, mais en compressant l’image lors de la prise de vue, puis en la décompressant au moment de la projection.
Comment compresser l’image ?
Cette compression en largeur est réalisée lors de la prise de vue, grâce à des objectifs “déformants”. Ces objectifs anamorphiques vont réaliser une compression optique, et “imprimer” sur la pellicule une image plus haute que large par rapport à l’image réelle.
L’image est ensuite désanamorphosée lors de la projection, grâce à un système optique inverse, qui va donc “étirer” en largeur l’image projetée. Le procédé le plus célèbre est le CinemaScope. Procédé inventé par Henri Chrétien, qui, en 1953, conclut un accord avec la 20th Century Fox pour projeter le premier long métrage en cinémascope “La Tunique” (The Robe).
NB : La projection sphérique est un autre type de format large anamorphosé. Dans ce cas, le photogramme prend la forme d’un disque et nécessite un écran sphérique de type « géode ».
La décompression optique lors de la projection.
Mais revenons à notre image 35mm : lors de la décompression optique, l’image est étirée d’un rapport de 1,22/1 jusqu’à un rapport de 1,85/1.
Il est bien évident qu’au-delà d’un certain seuil, le grain de la pellicule sera perceptible : plus la taille de l’image est agrandie, plus elle perd en résolution.
L’utilisation d’une lentille anamorphique implique d’avoir à déformer l’image, dans une salle de cinéma, comme dans du Home Cinéma, via un scaler (scaling). Or, dans le cas du Home Cinéma, si cette opération est pratiquement sans perte sur du DVD, il en va tout autrement en Blu-ray (HD : 1920 x 1080 pixels) où il y a obligatoirement une légère perte de définition.
D’autre part, l’utilisation d’une lentille anamorphique, aussi bonne soit-elle, génère des aberrations chromatiques sur les côtés de l’image ce qui engendre de la déconvergence. Et qui dit déconvergence dit là aussi perte de piqué par rapport à l’original. Car ces déconvergences ne sont rattrapables qu’en courbant l’écran par rapport à l’axe de la projection. Problème, le piqué est alors défocussé.
Si l’on veut garder une qualité du pixel, l’utilisation de lentilles anamorphiques est donc à éviter.
D’ailleurs, les différents organismes de normalisation de la vidéo et du cinéma numérique (AFNOR, SMPTE, DCI) préconisent les fonctions de zoom au lieu de l’anamorphose.
L’anamorphique : une solution technique d’une époque.
Autant l’anamorphique était utile à l’époque du 35mm ou du DVD, autant en HD et surtout avec les matrices actuelles en numérique qui proposent du 4K, voire du 8K, cela n’apporte rien de plus. D’ailleurs, il n’y a quasiment plus de lentilles anamorphiques sur les projecteurs de cinéma actuels… Souvenez-vous : parfois, le changement de lentille au niveau du projecteur, était flagrant sur l’écran de cinéma, juste avant le démarrage du film. Entre les publicités et le film, plus précisément.
Et en numérique ? Qu’en est-il du tournage vidéo anamorphique ?
Sur les capteurs actuels, on trouve généralement 20 millions de photosites. Or pour une image 4K est composée de 8 millions de pixels…
Souvenez-vous également que l’usage d’une pellicule suppose un format fixe tout au long de l’usage de cette pellicule. Idem pour la sensibilité d’ailleurs. Or la richesse du numérique est sa plasticité :
la majeur partie des appareils photos peuvent filmer avec un rapport de 16/9ème, mais également prendre des photos en format 4/3. C’est l’informatique embarquée qui régi cela.
Et comme l’aspect des capteurs est plutôt d’un rapport 4/3, il serait intéressant de filmer en 4/3, afin d’utiliser toute la surface du capteur. Quitte à étirer l’image, comme pour l’affichage du rapport 16/9ème d’un DVD, qui utilise une image captée dans un rapport 4/3 (720 x 576 pixels).
C’est justement ce qui est rendu possible avec cette fameuse anamorphose, mais cette fois-ci, numérique.
L’exemple ci-dessous montre, avec le GH5 de Panasonic, qu’on se rapproche de la résolution 6K : Une résolution de 4992 x 3744 pixels, soit 18 Millions de pixels et en 200Mbps.
Cela est possible tout simplement grâce au fait que l’anamorphique se tourne au ratio 4/3, et qu’ensuite on étire l’image pour avoir le ratio 16/9ème (voir le cas du format DVD ci-dessus). On exploite ainsi toute la surface du capteur (contrairement au 16/9ème qui ne prend pas toute la surface) d’où le gain en résolution (4K > 6K). Notez au passage, que dans cet exemple on perd en qualité puisqu’on passe du YUV 4.2.2 au YUV 4.2.0 :
le 6K implique un flux d’informations numérique beaucoup plus important.
Mais pourquoi tant d’engouement pour l’anamorphique ?
Oui, car on le retrouve dans des productions de cinéma ressentes. Parfois tournées sur pellicule, comme “Interstellar”, mais aussi en numérique.
Et bien je pousserai le vice en disant que c’est comme pour le noir & blanc… Cela génère une certaine ambiance : Des reflets “cinéma” (lensflare : reflets de lentilles), des flous de lumières d’arrière plan en forme de “grains de riz”.
Et comme une image vaut mieux qu’une longue description… Voici, dans la vidéo ci-dessous, une démonstration qui fera une “pierre deux coups” : ces effets “cinéma” peuvent être aussi obtenus avec de simples filtres.
Sans oublier que grâce au numérique, on peut aussi les rajouter en post-production, lors du montage vidéo.
L’effet cinéma… 35 mm désanamorphé :
Alors ? Faut-il investir dans des objectifs anamorphiques pour avoir un rendu cinéma ?
Non bien sûr, il y a des solutions plus légères : Il existe de simples filtres qui vont avoir le même rendu “cinéma”, dont voici une vidéo qui compare les deux prises de vues. Avec et sans le filtre anamorphique.
En conclusion.
Voici une vidéo qui résume parfaitement cette évolution technico-artistique :
Ah, j’oubliais un dernier détail : les optiques professionnelles haut de gamme sont généralement traitées anti-reflets…
Et oui, car il y a quelques dizaines d’années, le moindre reflet sur une image dévoilait en vous le manque de professionnalisme, car incompétent dans la gestion de la lumière…