La mise au point sur toute l’image.
Les cinéastes poussent la technologie dans certaines directions, mais la technologie oriente également les cinéastes.
Dans les années 1940, une avancée technologique fut la profondeur de champ. Le plus célèbre pionnier de la photographie, Greg Toland exprime tout son art le film Citizen Kane du réalisateur Orson Wells. La grande profondeur de champ voulait tout montrer sur l’ensemble de l’écran : la mise au point était faite sur chaque partie de l’image à la fois. Tout était clair et net pour l’œil du spectateur. Ce dernier avait la liberté de choisir l’endroit qu’il voulait voir sur l’écran.
Certains critiques ont vu cela comme une libération du public : plutôt que d’être dirigé et contrôlé, le spectateur était libre de faire ses propres choix quant à la découverte de l’image.
>> Voir l’article sur l’aspect technique de la profondeur de champ…
Un exemple avec un extrait du film “Citizen Kane” :
Notez au passage la qualité des plans-séquences, avec la construction de l’image, la mise en scène, les travellings, en plus de la grande profondeur de champ. Du grand Art.
Les astuces pour une grande profondeur de champ :
Avant l’avènement du numérique, les astuces pour obtenir une grande profondeur de champ se réalisaient au moment du tournage. Il existe des effets réalisés avec des lentilles spécifiques, ou plusieurs prises de vues pour un même plan, généralement des techniques issues de la photographie, qui permettent de garder une netteté sur l’ensemble de l’image, alors qu’avec une prise de vue standard il y aurait des zones de flou dues à la profondeur de champ.
Un bel exemple qui n’apparaît que quelques secondes au début du film “MATRIX”. Un film pourtant ou les techniques du numérique sont amplement utilisées, mais où certaines techniques de la prise de vue photo sont une aide non négligeable :
Pour la petite histoire, les ralentis incluant en même temps un travelling circulaire, sont également issus de la photo classique.
Les cinéastes adeptes de la grande profondeur de champ sont devenus particulièrement ingénieux dans les années 40 et 50 : Dans le film La Maison du docteur Edwardes (Spellbound) d’Alfred Hitchcock en 1945, le meurtrier, dans une des scènes du film, pointe le pistolet sur son psychanalyste (Ingrid Bergman). Pour permettre à la fois l’arme et le sujet à rester net à l’écran, Hitchcock, créé une main mécanique et un pistolet géants :
Pour avoir suffisamment de lumière sur l’ensemble de la scène et ainsi garder une vraie main aussi nette que le sujet en arrière plan, la mise au point aurait imposé des niveaux inacceptables de chaleur sur Ingrid Bergman, avec une lumière exagérément forte, pour permettre une petite ouverture du diaphragme.
Dans le film La nuit du chasseur de Charles Laughton (1955) la figure de Robert Mitchum sur un cheval en arrière-plan est en réalité un nain sur un poney Shetland !
Le déclin de la grande profondeur de champ.
Qu’est-il donc arrivé à la profondeur de champ ? Eh bien, en un mot : la télévision. Les images riches en détails ne fonctionnent pas sur les petits écrans de télévision, de faible résolution, et des gros plans ont fait leur apparition. Les plans longs de plusieurs secondes ont laissé la place à une myriade de plans courts d’une seconde chacun, pour raconter la même scène, mais avec une multitude de plans sous différents angles. Un peu comme un puzzle reconstitué en quelques secondes. Puis la télévision a commencé à influencer le cinéma, en partie parce que les cinéastes savaient que le petit écran était l’endroit où leurs films seraient projetés.
À la fin du vingtième siècle, les formats de prise de vue standard pour la télévision étaient, en vidéo ou en film, inférieurs aux 35 mm du cinéma. Or la taille du capteur est un des facteurs qui influencent la profondeur de champ. Avec le format 35 mm ou son équivalent en numérique, il y a une grande liberté sur la variation de la profondeur de champ, mais à l’époque des petits téléviseurs, en avions-nous besoin ? Pas vraiment, car sur un écran de petite taille il n’y a pas besoin de telles nuances au niveau de la qualité photo.
Quand les écrans sont devenus comparables à des écrans de salles de cinéma, en proportion par rapport à un salon bien sûr, et que les capteurs numériques se sont rapprochés du format 35 mm, alors là, les vidéastes ont redécouvert ce qui existait déjà en photo et au cinéma : la profondeur de champ.
Sans revenir sur l’histoire du cinéma (Cf : plus haut), on est vite subjugué devant les caractéristiques de la profondeur de champ, et ce que l’on peut en faire. Pourquoi certains vidéastes étaient ébahis devant la possibilité d’une si petite profondeur de champ ? Parce qu’ils n’avaient jamais pratiqué la photographie. Malheureusement, c’est comme lorsque l’on découvre le zoom… On ne cesse de l’utiliser. Ce n’est pas parce que l’on peut avoir une profondeur de champ de quelques centimètres, qu’il faut à chaque plan avoir ce type d’effet. En matière de réalisation de films, tous les effets ont une signification. Ils font partie de la syntaxe du langage de l’image.
Le retour de la grande profondeur de champ.
Comme les écrans à la maison gagnent en haute résolution, le renouveau de la profondeur de champ devient intéressant. Les films tournés en 65 mm comme Lawrence d’Arabie ou 2001 Odyssée de l’espace, ne sont plus un non sens s’ils sont projetés à la télévision. Avec la technologie numérique, les effets spéciaux utilisés sur Citizen Kane sont maintenant relativement faciles à réaliser.
Parallèlement, les capteurs deviennent plus rapides, et il est donc plus facile d’atteindre les petites ouvertures nécessaires à la grande profondeur de champ. Et comme les producteurs de téléfilms s’adaptent aux écrans plus grands et de plus haute résolution, nous avons vu le retour du plan large. Dans une série de télévision américaine haut de gamme comme Fargo ou Better Call Saul, on voit un certain nombre de plans larges magnifiquement composées et détaillées. La petite profondeur de champ sera peut être bientôt connotée comme “cinéma à petit budget”, plutôt que “Cinéma”.
Conclusion :
On en revient souvent à la même conclusion, à savoir qu’une œuvre audiovisuelle se réalise à l’aide de briques qui sont les images, le son, leur choix, les transitions qui les relient, le traitement de l’image et du son, etc… Or le flouté ou la netteté d’une image en fait partie. C’est donc bien un outil qui compose la syntaxe du langage de l’image. Comme par exemple le couteau qui est un outil à la peinture : cette technique doit susciter un message ou une émotion. Utiliser toujours la même profondeur de champ, à fortiori quand elle est très petite, c’est finalement être prisonnier d’une technique… Comme la découverte du zoom.
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