Que vaut un bon scénario sans l’ambiance qui lui correspond ?
On a la bonne histoire, soutenue par un bon scénario, avec de bons comédiens, une bonne mise en scène… et pourtant, il y a parfois des déceptions à la sortie du film.
On a tous eu, un jour, en sortant d’une projection, ou même pendant le film, la sensation d’avoir une œuvre d’art devant les yeux. D’assister à un moment unique qui vous marque à vie. Mais comment le réalisateur arrive-t-il à toucher notre âme ? Car ce qu’il insuffle dans son diamant brut pour l’élever au rang de joyau, va beaucoup plus loin qu’une technique parfaitement maîtrisée.
On peut reprendre toutes les fiches techniques de ce site (le cadrage, le rythme, le scénario, la gestion de la lumière, etc), pour faire passer un film au statut d’œuvre artistique, il manque une étincelle :
l’ambiance du film.
L’ambiance du film ?
Qu’est-ce que c’est encore ce truc-là ?
Le spectateur n’est pas forcément plongé dans l’ambiance du film dès le début de la projection. Il y a, pour certaines histoires, une montée en puissance. C’est bien sûr l’art de prendre le spectateur par la main, et de l’amener d’un point A à un point B. Mais pas seulement en déroulant des faits à l’écran, c’est à dire en collant bout à bout les divers plans tournés. Non, il s’agit, tel un conteur de créer une ambiance qui va envelopper le public dans un état d’esprit particulier. Nous ne sommes pas dans la logique d’un scénario, c’est à dire d’une intrigue, mais plutôt dans la perception de sensations.
Intéressons-nous ici uniquement à l’aspect sentiment de la chose…
Il y a de bons conteurs, et il y a de mauvais conteurs.
Dans le premier cas, le conteur va modifier sa voix selon les moments de l’histoire, ou des différents dialogues des protagonistes. Il pourra créer des silences, voire accélérer le rythme de ses paroles, diminuer ou augmenter son volume, etc. Il va ainsi transmettre ses émotions.
Quant au réalisateur, il dispose d’un peu plus d’artifices. Il y a bien sûr le jeu des acteurs, ce qui correspond aux artifices du conteur, mais il y a aussi la mise en scène, le cadrage, le rythme, les éclairages, les bruitages, la musique, les effets spéciaux. Bref, tout une syntaxe qui va faire vibrer les cordes sensibles du spectateur.
Il s’agit là, de créer du sentiment chez le spectateur.
Ce travail consiste à aller chercher quelque chose que l’on peut appeler “l’âme de l’histoire”, et de la transmettre au spectateur. On ne va donc pas transmettre de la logique pure (c’est à dire une suite de séquences ou de chapitres, qui alimentent l’intrigue), mais des sentiments. Il s’agit concrètement de rendre le spectateur empathique, pour qu’il se fonde dans les sentiments que le réalisateur a en tête quand il fabrique son film.
C’est comme faire un cadeau à une personne que l’on estime. On sait la réaction que celle-ci va avoir en recevant le cadeau.
Il y a bien sûr, une part de logique qui est nécessaire lors de la construction du film. Car un réalisateur connaît les éléments du langage de l’image (et du son) qui vont susciter tel ou tel sentiment chez le spectateur.
N’a-ton jamais vu une personne, au cœur de pierre pleurer, pendant un discours de mariage ?… Chacun a un talon d’Achille sentimental qui fait ressortir les larmes de tristesse, de bonheur, ou de rire. Au réalisateur de viser juste…
Alors comment créer une ambiance ?
Prenons par exemple le visage sculptural d’une femme. Il est parfaitement dessiné et instinctivement on se dit qu’il est beau.
Maintenant, rajoutons le maquillage. C’est à partir de là que se créait une ambiance. On accentue tel ou tel trait, on modifie le regard, et on continue sur la coiffure, puis la posture. Car elles aussi vont déterminer des sentiments chez celui qui la regarde. On a ici la différence entre la beauté et le charme.
Jouons sur le fond de l’image, l’éclairage et donc, les contrastes ainsi que la couleur. Nous sommes en train de créer un tableau, qui va en dire beaucoup plus qu’une simple photo. C’est la différence entre “montrer la réalité” et “montrer ce que l’on ressent”. Car là est la clé de voûte qui différencie un film documentaire d’une œuvre cinématographique. Cette dernière va vous faire exprimer des sentiments à un degré plus ou moins fort.
Dans notre exemple, ici, c’est la différence entre une photo sans artifices et une photo d’art, qui peut se rapprocher d’un tableau.
Comment des réalisateurs ont-ils créé l’émotion ?
Apocalyse Now :
L’ambiance est relativement lourde au départ : celle de la guerre du Vietnam. L’intrigue est posée, et le personnage principal doit remplir une mission qui le fait remonter le cour d’un fleuve. Pendant ce voyage, le réalisateur rajoute des scènes, en plein milieu de l’histoire, qui tantôt amènent un côté absurde, mais humoristique, et tantôt toujours un côté absurde, mais tragique. Et plus on remonte le fleuve, plus la tragédie augmente en intensité jusqu’à l’horreur. Dans un endroit où le paradoxe est de trouver une tribu très peuplée, et en même temps, deshumanisée.
Le réalisateur utilise du grand angle pour montrer l’aspect majestueux de la jungle, afin de réduire la domination de l’homme et le faire descendre du haut de la pyramide des espèces. Par un choix des éclairages, des focales, du jeu des acteurs, du maquillage, et de la mise en scène, les personnages sont relégués à l’état d’animal, où seule la survie compte.
D’ailleurs, cette ambiance sera reprise dans une publicité mettant en scène Zinédine Zidane, et également dans le film “Les ch’ti“…
Dans la dernière scène, où les deux personnages s’affrontent, il y a un parallèle intéressant à faire avec un autre film :
Blade runner 1984 :
Cet extrait reprend également un duel entre les deux protagonistes. À la fin, on découvre le seul plan du film pendant lequel apparaît un rayon de soleil, car l’ambiance générale du film baigne dans l’obscurité et la pluie. Nous sommes dans un avenir ultra techno, dans des couleurs de gris bleuté, avec visiblement une surpopulation.
La musique de Vangelis sert magnifiquement les longs plans qui montrent cette société du futur.
Le jeu des acteurs est particulièrement important dans l’expression de la peur d’une mort programmée.
Alien, le 8ème passager :
Ce film est une succession de rythmes lents, ponctués par une fracture qui fait sursauter le spectateur. Comment le réalisateur y parvient-il ?
Il amène le spectateur dans un rythme calme, mais avec une tension croissante. Et comme un élastique qui se tend de plus en plus, et fini par se casser, il y a une étincelle qui vient surprendre le spectateur.
La musique, les bruitages, les intonations des acteurs, sont au rendez-vous pour créer cette tension grandissante.
300 :
On aurait pu parler du film “Gladiator”, mais le film “300” transporte plus efficacement le spectateur dans une ambiance proche de la BD. Un point commun avec le film “Sin city” : ils sont tous deux issus de l’œuvre de Franck Miller. “Sin city” fut édité en noir et blanc. Et ce n’est pas innocent. Je vous laisse juge…
Dans le film “300” qui nous replonge dans la bataille des Thermopiles, le réalisateur travaille essentiellement sur les lueurs, les contrastes et l’intensité des couleurs, afin de montrer à l’écran, non pas la réalité, mais un tableau animé. D’ailleurs, dans cette scène de la première bataille, il y a des plans qui ressemblent volontairement à des fresques de cette époque :
Dune (2021)
Le jeu des acteurs montre bien que nous sommes là dans une autre époque. C’est surtout l’esthétisme de la photo qui nous transporte ailleurs. Pratiquement chaque plan est une photo d’art qui ne raconte pas la réalité, mais ce que l’on doit ressentir.
Le contre exemple : Moonfall
Avec une très bonne entrée en matière, Moonfall nous invite dans une histoire dans laquelle l’intrigue est très bien posée.
Malheureusement, la première partie du film s’essouffle dans quelques longueurs, lesquelles auraient pu servir au mieux la résolution de l’intrigue. Car le scénario, vraiment créatif, est desservit par la mise en scène et le rythme du film. Cette histoire est traitée comme un documentaire, alors que son originalité aurait pu la faire passer au rang d’œuvre cinématographique.
On a presque l’impression que le film a été fini, parce qu’il fallait le finir…
Les longueurs du début auraient pu être utilisées pour amener le spectateur plus lentement dans la résolution de l’intrigue. Elle arrive beaucoup trop vite, et semble bâclée.
Il faut savoir prendre le temps pour mettre un public dans de bonnes conditions…
Conclusion :
Bien que parfaitement maîtrisée, la technique n’est rien si elle ne sert pas à insuffler une âme dans une histoire, afin d’en faire une œuvre d’art. La technique pour la technique n’ira jamais toucher le cœur du spectateur. Elle pourra l’étonner, mais rien qu’une fois. Au contraire, elle doit “s’effacer” pour servir au mieux l’histoire et la rendre crédible.
Toutes ces techniques (cadrage, rythme, couleurs, contrastes, jeu des acteurs, maquillages, bruitages, musiques, etc) sont des outils qui doivent être utilisés afin de créer du sentiment chez celui qui va regarder le film. Le réalisateur a donc pour mission de viser juste dans le cœur du spectateur, et d’appuyer là où ça fait mal…
Comme pour le patinage sur glace, il y a une note technique et une note artistique.
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